Augmentation des prix des médicaments : Le Syndicat des pharmaciens s’explique

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Le Syndicat des pharmaciens du Burkina Faso a animé une conférence de presse ce mardi 23 mai 2023 pour évoquer la situation du secteur pharmaceutique au Burkina Faso. Le principal sujet abordé a trait à l’augmentation des prix des médicaments de spécialités.

Depuis février 2023, les officines pharmaceutiques ont procédé à un réajustement des prix des médicaments de spécialités pharmaceutiques. Des explications des conférenciers du jour, depuis 1994, le syndicat a demandé aux officines d’appliquer une marge de 1,32% sur les médicaments. De cette marge sont déduites toutes leurs charges. Au fil des années et l’inflation aidant, cette marge de 1,32% ne permet plus aux pharmacies de couvrir toutes leurs charges.

Des charges qui sont pourtant à la hausse du fait d’un certain nombre de facteurs. Ce sont, entre autres, les loyers qui peuvent passer de 150 000 à 500 000 voire plus de 1 000 000 de FCFA lorsqu’il s’agit de l’installation d’une pharmacie ; la fiscalité (les pharmacies sont soumises au droit fiscal commun) ; le maintien de la chaîne de froid pour les médicaments thermosensibles ; l’imposition d’une marge incompréhensible de 32% sur les médicaments essentiels génériques CAMEG et consommables qui consacre une vente à perte dans les pharmacies.

Le même arrêté consacre une marge de 37,5% dans le public ; l’insécurité (cambriolage, braquage) qui oblige les pharmaciens à mettre des sommes importantes pour assurer la protection de leurs locaux ; l’inflation généralisée de 14,5% en 2022 ; etc.

Dr Ismaël Bidiga, président du Syndicat des pharmaciens du Burkina Faso.

C’est dans ce contexte donc, que depuis 2016, le syndicat des pharmaciens a entrepris des discussions avec le ministère de la Santé afin de revoir les marges pour leur permettre de tenir leurs engagements. « Les démarches récentes du syndicat ont débuté en 2016 et l’actuel ministre en charge de la santé était secrétaire général puis conseiller technique ; donc la situation ne lui est pas étrangère. Lors de nos discussions, il a toujours été question de fixation de la marge et nous avions proposé des marges au ministère de la Santé. A chaque fois, les autorités usaient de dilatoire en nous faisant miroiter des éventuels allègements fiscaux », a déclaré le président du syndicat, Dr Ismaël Bidiga. C’est donc de guerre lasse, que le syndicat a décidé du réajustement des prix en février 2023 engendrant ainsi une augmentation de 12% pour les médicaments de spécialités. Une augmentation qui selon le syndicat, n’atteint pas le taux d’inflation au Burkina qui est de 14,5%.

Et c’est cette augmentation qui fait grincer des dents au sein de la population et du gouvernement au point où le ministre du commerce a déclaré à l’issue du conseil des ministres du 17 mai 2023 que le gouvernement va fixer des marges plafonds pour les médicaments de spécialités. « Eu égard à l’actualité récente qui nous a permis de constater la flambée généralisée des prix des produits de spécialités dans les officines pharmaceutiques, ce rapport adopté nous permet de poursuivre la procédure en la matière pour fixer désormais des marges plafonds sur les prix des produits de spécialités », avait indiqué le ministre Serge Poda.

Cette sortie du ministre du commerce n’est pas du goût du syndicat, qui estime qu’il n’est pas contre une règlementation des prix des spécialités, mais souhaite que cela soit fait de concert avec toutes les parties comme il l’a toujours souhaité depuis 2016. Selon le syndicat, à l’issue d’une rencontre tenue avec la partie gouvernementale le 18 avril 2023, il était prévu qu’une commission technique soit mise en place pour discuter de tous les points afin d’améliorer l’apport du secteur pharmaceutique sur le système de santé au Burkina Faso.

Mais jusqu’à présent cette commission n’a pas encore été créée. Le syndicat s’interroge donc sur la volonté du gouvernement à aller au dialogue. « Le rapport du conseil des ministres du 17 mai 2023 et l’intervention du ministre en charge du commerce suscitent des interrogations quant à la volonté du gouvernement de dialoguer. « Le ministre dit par ailleurs qu’on assiste à une flambée généralisée des prix des spécialités en février. Nous tenons à rappeler que malgré les difficultés que vit notre pays pour approvisionner certaines zones difficiles d’accès aujourd’hui, le prix du médicament reste approximativement le même à Dori, Djibo, Sebba, Solenzo, Nouna, Ouagadougou, Bobo-Dioulasso, Garango, Réo. Nous saluons au passage, le sens du devoir de nos chers confrères pharmaciens des zones à fort défit sécuritaire. Malgré les difficultés d’approvisionnement, les pertes de leurs produits au cours des attaques de convois, ils continuent de se battre pour assurer leur mission de santé publique et ne répercutent pas leurs charges supplémentaires sur le prix du médicament », a laissé entendre le président du syndicat, ajoutant que le secteur pharmaceutique ne pratique pas de spéculation sur les prix des produits de santé.

Les journalistes présents à la conférence de presse

Tout compte fait, le syndicat se dit toujours ouvert au dialogue et espère qu’il va se poursuivre avec le gouvernement afin de trouver un compromis acceptable pour tous. « Nous mettons en garde les ministres en charge du commerce et de la santé contre toute décision hasardeuse qui déstructurerait le secteur pharmaceutique privé tout comme les décisions hasardeuses sur la CAMEG en 2016 ont conduit à une déstructuration du secteur public qui souffre aujourd’hui de multiples ruptures. La rupture du circuit d’approvisionnement entraînera inéluctablement une catastrophe sanitaire dont les pharmaciens ne seront pas tenus pour responsables. Il est temps que chacun assume les conséquences de ses actes. Le Burkina vit des périodes difficiles en ce moment et il n’y a aucun intérêt à créer d’autres crises là où les acteurs sont ouverts à la discussion », ont conclu les conférenciers.

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