Homologation du vaccin antipaludique R21/Matrix-M : « Nous avons grand espoir d’aller vers l’élimination du paludisme »,Dr Sidzabda Kompaoré

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La lutte contre le paludisme en Afrique et au Burkina Faso connait une évolution positive dans la recherche. Après le Ghana et le Nigéria, le Burkina Faso, via l’agence nationale de régulation pharmaceutique a autorisé l’utilisation du vaccin antipaludique R21/Matrix-M. Dans les lignes qui suivent, le secrétaire permanent pour l’élimination du paludisme, Dr Sidzabda Christian Bernard Kompaoré nous fait le point de la lutte contre la maladie au Burkina Faso et nous situe sur l’importance du vaccin dans l’élimination du paludisme.

Sidwaya(S) : Selon le ministère de la Santé et de l’Hygiène publique, le paludisme a causé la mort de plus de 4 000 personnes au Burkina Faso en 2022. Quel est votre commentaire sur ce sombre bilan ?

Sidzabda Kompaoré (S.K.) : Ce bilan est effectivement déplorable. Il l’est d’autant plus qu’il s’agit d’une maladie pour laquelle nous avons des possibilités de prévention et de traitement. S : Parmi ces personnes décédées, quelle est la proportion des enfants de moins de 5 ans? S.K. : Les enfants de moins de 5 ans représentent pratiquement les trois quarts. Nous avons enregistré environ 3 000 décès pour la même période.

S : Qu’est-ce qui fait que cette tranche d’âge est beaucoup frappée par la mort?

S.K. : Les enfants de moins de 5 ans sont, en plus des femmes enceintes, les populations les plus vulnérables au paludisme. Voilà pourquoi, on se retrouve effectivement avec des taux élevés et c’est justement cette frange de la population qui paie le plus lourd tribut face à cette maladie. Car ils ont une immunité non mature pour les enfants et en baisse pour les femmes enceintes, face au paludisme. C’est pour cette raison que l’accent est mis sur leur protection.

S : Depuis quelques années des chercheurs burkinabè et leurs partenaires sont en train de mettre sur pied un vaccin(R21) avec déjà un taux d’efficacité de 77%. Comment appréciez-vous cette trouvaille et ce progrès dans la lutte contre la maladie ?

S.K. : Les chercheurs du Burkina Faso travaillent effectivement depuis un certain nombre d’années sur les solutions possibles contre cette maladie. Et c’est d’ailleurs du fruit de cette recherche que le programme se nourrit. La découverte de ce vaccin par une équipe de chercheurs de plusieurs pays dont les nôtres, vient nous conforter dans nos convictions d’une élimination future du paludisme. Je voudrais aussi rappeler qu’en plus du vaccin R21, il y a aussi le RTS’S pour lequel nos chercheurs ont aussi contribué. La science évoluant, nous avons espoir que des remèdes de plus en plus efficaces verront encore le jour.

S : Le lundi 24 juillet dernier l’agence nationale de régulation pharmaceutique a autorisé l’utilisation de ce vaccin chez les enfants de 5 à 36 mois, le groupe d’âge le plus à risque. Comment aviez-vous apprécié cette annonce ?

S.K. : L’agence nationale de régulation pharmaceutique est l’instance qui autorise toute entrée, toute possibilité d’utilisation de produits pharmaceutiques dans notre pays. Voir cette agence donner une autorisation pour ce vaccin est vraiment une très bonne chose, d’autant plus que nous nous inscrivons véritablement dans la démarche vers l’élimination du paludisme. Nous étions déjà ravis d’avoir le vaccin RTS’S que nous aurons à disposition. Et, cette homologation du R21 vient donc ajouter à l’arsenal préventif un nouveau vaccin contre le paludisme.

S : Etait-ce nécessaire pour l’agence d’homologuer ce vaccin ?

S.K. : Tout à fait. Je le disais tantôt, on ne saurait utiliser un médicament, un vaccin dans notre pays qui ne passe pas par l’homologation de cette agence. C’est vraiment cette agence qui nous guide sur les produits qui peuvent être utilisés sur l’humain dans notre pays.

S : Parlant de l’homologation des médicaments sur le paludisme, il y a beaucoup de médicaments contrefaits, d’origine douteuse, qui se vendent aux abords des rues. Quel commentaire faites-vous de cette pratique non recommandée ?

S.K. : C’est vraiment la belle opportunité que vous nous offrez pour qu’on puisse encore rappeler à la population que le bon médicament se trouve en pharmacie. Il est important que lorsqu’on est malade le meilleur recours est la formation sanitaire. Dans nos formations sanitaires, nous avons des médicaments très efficaces qui ont été homologués par l’agence et qui permettent de traiter efficacement le paludisme, gratuitement pour les enfants de moins de 5 ans et les femmes enceintes, et à peu de frais pour le reste de la population car ce sont des médicaments subventionnés. Avoir recours à ces médicaments de rue est donc assimilable à un suicide.

S : Avant le Burkina, le Ghana et le Nigeria ont autorisé l’utilisation du R21. Pour vous, qu’est-ce que ce vaccin va changer dans la lutte contre cette maladie ?

S.K. : Pour une maladie parasitaire comme le paludisme, il est important d’avoir plusieurs flèches à son arc. Donc, le vaccin R21 avec le RTS,S changent toute la donne. Auparavant, nous avions des stratégies, mais pas la stratégie vaccinale dans la lutte contre le paludisme. Avec le RTS,S que nous allons commencer en 2024, nous entrons vraiment de plain-pied, dans cette stratégie qui va se renforcer davantage, non seulement avec l’arrivée du R21 mais aussi avec tous les autres candidats vaccins qui feront preuve de leur efficacité.

S : L’Afrique en général et le Burkina Faso en particulier est beaucoup marqué par la réticence à la vaccination. Quel sera l’engagement du Burkina pour amener les populations à adhérer au vaccin ?

S.K.: La contribution du Secrétariat permanent pour l’élimination du paludisme est vraiment à tous les niveaux. Nous travaillons en toute intelligence avec la direction générale de la santé et de l’hygiène publique, notamment avec la direction de la prévention par la vaccination, pour faire de telle sorte que tout cela puisse bien sûr s’articuler de façon intelligente, afin que nos populations soient réceptives. Nous sommes donc actuellement en train d’élaborer un plan de communication qui va nous permettre d’avoir une meilleure approche participative à l’endroit de la population et les amener à mieux adhérer à l’intervention. Et cela nous donnera véritablement de meilleurs résultats dans la lutte vers l’élimination du paludisme.

S : Selon le ministère de la Santé et de l’Hygiène publique, les premières doses du RTS,S seront injectées dès début 2024 aux enfants. Pensez-vous que la population va adhérer à cette nouvelle stratégie de lutte contre le paludisme ?

S.K. : Oui. Nous n’avons pas le moindre doute que la population adhère à ce vaccin et cette adhésion passera nécessairement aussi par l’intensification de la sensibilisation et nous comptons énormément sur les médias afin qu’ils prennent l’entièreté de leur part dans cette sensibilisation. Cela permettra certainement à nos populations de comprendre et d’adhérer davantage à cette vaccination, qui, je le répète, viendra véritablement donner un coup de fouet à la marche vers l’élimination.

S : L’année dernière, le ministère de la Santé et de l’Hygiène publique a distribué, à travers le Secrétariat permanent pour l’élimination du paludisme, des millions de moustiquaires à la population. Malheureusement, ces moustiquaires se retrouvent un peu dans les sites de jardinage….L’usage est un peu détourné pour d’autres choses. Qu’est-ce que vous en pensez?

S.K. : C’est vrai qu’au début, lorsqu’on distribuait les Moustiquaires imprégnées d’insecticides à longue durée d’action(MILDA), nous avions donc le taux d’utilisation qui était assez faible. Mais grâce justement à la sensibilisation, à l’amélioration de la communication de proximité, on se rend compte que ce taux s’améliore au fur et à mesure. Nous nous sommes également penchés sur la question de l’utilisation détournée des MILDA. Heureusement, dans la majorité des cas, les moustiquaires qui sont utilisées pour le jardinage ou tout autre détournement de l’usage initial sont des moustiquaires déjà usagées. Lorsqu’on remet les moustiquaires imprégnées, on ne retire pas pour autant les anciennes moustiquaires. Il faut noter également que nous sommes à notre 5e campagne nationale de distribution universelle de moustiquaires imprégnées d’insecticide à longue durée d’action (MILDA), il va s’en dire qu’il y a une importante quantité de moustiquaires usagées dans les communautés. Et justement, nous voulons donc saisir cette opportunité pour lancer un appel à la population pour l’utilisation. Ce qui nous revient surtout, c’est que certaines personnes prennent la moustiquaire et la gardent jalousement comme s’il s’agissait d’un bien familial. Donc, il est important que les gens comprennent que dormir sous une moustiquaire protège contre le paludisme et contre toute autre maladie qui pourrait être transmise par un vecteur. Cela nous permet aussi d’avoir une nuit paisible. Dormons sous des moustiquaires imprégnées et cela améliorera vraiment la qualité de notre sommeil !

Dormir sous la MILDA permet de lutter contre le paludisme.

S : 4 000 morts en 2022 dus au paludisme. Quel conseil ou quel appel avez-vous à lancer à la population pour réduire cette mortalité très élevée ?

S.K. : C’est vraiment énorme et déplorable. L’appel que nous lançons à l’endroit de la population, c’est de leur demander une fois de plus, d’accepter et de s’approprier les différentes interventions qui sont mises en œuvre par le ministère de la Santé et de l’Hygiène publique dans sa dynamique vers l’élimination du paludisme. La lutte contre cette maladie étant multisectorielle et multidimensionnelle, Il est important que l’ensemble de la population adhère et de façon massive pour l’atteinte des résultats escomptés. Nous rappelons que le paludisme est une maladie évitable et traitable. Donc ensemble nous devrons travailler de telle sorte que nos populations puissent se faire consulter le plus tôt possible, dès l’apparition des premiers signes. Qu’elles adhèrent surtout aux méthodes de prévention contre le paludisme. C’est l’occasion également pour nous de rappeler que nous sommes en pleine campagne de la Chimio-prévention du paludisme saisonnier (CPS). En rappel, la CPS consiste en l’administration gratuite de médicaments (SP+AQ) en trois prises aux enfants de 3 à 59 mois en bonne santé, pendant la saison des pluies, plus précisément au cours des mois de juin, juillet, août, septembre et octobre, période de forte transmission de cette maladie. Le passage du mois d’août aura lieu du 17 au 20 dans l’ensemble des 70 districts, et c’est vraiment une belle opportunité de lancer un appel à la mobilisation des populations autour de la CPS pour protéger nos enfants de 03 à 59 mois contre le paludisme. En plus de la CPS, du vaccin et des autres interventions, nous devrons dormir et faire dormir tous les membres de nos familles toutes les nuits, tous les jours et toute l’année sous Moustiquaire imprégnée d’insecticide à longue durée d’action (MILDA).

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